Une fois par trimestre, nous partagerons extraits de quelques écrits des ateliers d'écriture "Plumes" at home sweet home... Pour ce premier volet, voici :
- écrits avec l'incipit* "Les yeux jaunes de la bête plongèrent jusqu’au fond des miens" ; *(incipit = 1ère phrase d'un roman)
- écrits autour des boutons de ma boîte à boutons
- écrits autour d'un présent offert (souvenir authentique ou inventé)
Merci à : Evelyne, Florence, Josette, Annick, Anne, Jean-Philippe, Françoise, Claire, Brigitte, Christiane... et RIO !
Balade en forêt
Les yeux jaunes de la bête plongèrent jusqu'au fond des miens, loin dans mon regard aux couleurs de la mer. Ce fut sans plaisir que j'accueillis ce fidèle insecte qui, à chacun de nos pique-niques venait chatouiller ma peau et mes cheveux. Quelle folie aussi de venir près de cette rivière en cette saison, après avoir traversé la forêt chargée comme une mule de mes sacoches et tout mon barda !
Bzzzz saloperies de bestioles ! Heureusement, mon amoureux est là qui m'attend avec… sa raquette à moustiques.
Josette L…
Voici le moment de te faire don de ce bouton,
Celui qui a traversé les générations,
Celui qui a fondé ce qui nous lie,
Attaché dorénavant l’une à l’autre,
Il restera pour nous deux cette belle histoire,
Peu connue et discrète,
Le sel de notre vie…
Ces deux petits yeux, seront toi , seront moi,
L’un avec l’autre , ils ne feront qu’un,
Dans ta main, il voyagera et
Poursuivra sans doute sa route,
Chargé de plus encore, aussi léger soit-il,
Voici le moment de te faire un don,
Celui qui a traversé plusieurs générations …
Claire B…
Le Morgan
Pour mes 30 ans, j'ai reçu un cadeau d'anniversaire de ouf ! Un bateau !
Pas n'importe quel bateau.
Pas un yacht.
Pas un voilier qui vole sur les eaux.
Pas une barque en bois dont le fond se fend et la peinture cloque.
Pas un monstre pour croisiériste qui détruit l’écosystème.
Non juste, un automoteur : une péniche.
Une péniche qui ne reliera plus les Hauts-de-France au Plat Pays chargée de betteraves ou de maïs.
Une péniche déclassée, qui reste à quai.
Une péniche qui m'attendait.
Ma Freycinet, débarrassée de ses écoutilles, éventrée est en rénovation.
Je veux la transformer en gardant son âme, pas d’open-space, ni de salle de séminaires.
Je m'installerai dans le logement du marinier, le logement du "second" sera ma chambre d’ami.
Et la cale deviendra une grande salle meublée de bric et de broc pour accueillir mes copains, pour partager de bons moments, pour faire la fête !
Brigitte F…
Je suis le petit bouton perdu dans une boîte au milieu de mes semblables qui m’écrasent, qui me toisent, qui se moquent de moi. Ils me l'ont souvent répété : que personne ne viendrait me chercher, moi le rebut de la boîte à boutons !
Et puis un jour, le couvercle de la boîte s'est ouvert, une main, hésitante d’abord, nous a remués ; d'un seul coup, nous nous sommes retrouvés sur le tapis de la table de la salle à manger... au-dessus de moi, une jeune fille, belle
comme un bouton de rose, se penchait, regardait, scrutait celui qu'elle allait choisir.
Moi, je n'espérais rien… Tout à coup, deux doigts délicats se sont posés sur moi et je me suis retrouvé au creux de sa main ; avec un sourire radieux, la jeune fille me regardait ; j'étais le plus heureux des boutons !
C'est ainsi que depuis ce jour, je suis venu rejoindre mes frères sur son chemisier préféré !
Christiane G…
Les yeux jaunes de la bête plongèrent jusqu’au fond des miens.
L’autre, cette bête hypnotique vomissant à longueur de journée, à toute vitesse, ses pensées toxines, ses idées noires.
Voleuse, avaleuse de libertés, pourvoyeuse de plaisirs immédiats, avide de douleurs, de réussites instantanées, matérielles, futiles.
La bête, elle ne m’a pas eu.
Je l’ai domptée, je l’ai attrapée. J’ai jeté sa fenêtre par la fenêtre.
Je l’ai envoyée retrouver le vent, la pluie, le soleil.
Alors je me suis allongé, avec lenteur, prés d’un champ de blé.
J’ai respiré, humé l’ozone, aimé les arbres. Aimé la vie.
Jean-Philippe M…
Le cadeau
Quand j’étais petit je vivais en Armorique. On n’avait pas de gros moyens au village. Je portais presque toujours les mêmes vêtements, par exemple un pantalon bleu rayé qui m’a poursuivi jusqu’à l’âge adulte. Toujours la même grosse toile dans laquelle maman cousait à chaque fois un nouveau pantalon.
J’étais un gros garçon solitaire un peu triste. Ma première vraie joie, je m’en souviens c’était à Noël. On m’a offert le cadeau qui allait changer ma vie et révéler ma force. C’était un petit caillou en forme de menhir. Depuis je les ai collectionnés. Des menhirs de plus en plus gros. J’adore les porter et je suis devenu très fort ! Grâce à la potion ou aux menhirs ? Mystère !
Anne S…
Les yeux jaunes de la bête plongèrent jusqu’au fond des miens…..
J’ai inspiré, puis expiré longuement, luttant pour tenter de maitriser l’émotion qui montait en moi.
Loin de me faire peur, je me suis étonnée de sentir comme une bienveillance dans ce regard. Les souvenirs me submergeaient : ma famille, les amis… tous se bousculaient gaiement dans mon esprit.
Pourquoi le regard jaune de l’animal m’autorisait-il soudain à lâcher prise ?
La bête s’est approchée. Je ne bougeais pas. sa tête est venue contre ma main comme pour me caresser. Je l’observais discrètement. Nous aimions-nous ? Qu’allais-je imaginer…
J’ai éclaté de rire et … je me suis réveillée au pied de l’arbre, mon livre grand ouvert tombé sur la mousse.
Je me suis sentie envahie… de quoi ?
Ont surgi des projets qui sommeillaient depuis longtemps en moi. L’avenir se dessinait.
Oui, il fallait VIVRE !
Annick G...
Le petit bouton :
« Je suis l’oeil étoilé d’une petite poupée de chiffon. Elle m’a perdu au détour d’un clin d’oeil lancé par un guignol. Elle l’a suivi jusque Lyon et moi… moi, je suis resté ici, à côté de Laon. C’est que je suis carré, moi ! Il en faudrait plus me faire tourner en rond ! Je suis resté… et j’écoute la complainte du bouton à un trou. »
Marjorie Hotton - MalamaliSss