La Demeure

« Tu vois ce château ? Tu te rappelles l’histoire de la Belle au Bois Dormant ? Et bien c’est son château. Et, si tu regardes bien. Attends, là comme ça. Si tu regardes bien et bien… tu verras que, là-bas, rien ne bouge. Tout est figé, suspendu au fil du temps. Et le temps s’est arrêté. Le temps s’est arrêté depuis que la princesse s’est piquée le doigt. Dans la plus haute des tours, le fuseau est resté tel quel. Il gît à côté de la Belle endormie. Et tout le royaume s’est assoupi, endormi lui aussi. Le sort a été jeté et la malédiction est tombée. Tu vois ? Regarde bien : le temps s’est figé. Le temps est suspendu à l’attente d’un baiser, un baiser enchanté, le baiser d’un prince charmant. »

Nous sommes tous les cinq, mes parents et mes sœurs, face à ce paysage sorti tout droit d’un de mes livres de contes. J’écoute Laurence avec avidité. Je bois chacun de ses mots. Patricia me donne la main, une main rassurante, une main de grande sœur. Et voilà comment tout a commencé. Ce « tout », ponctué de jeux, de rossignols, de trésors perdus, oubliés, des formules magiques pour faire apparaître tout ce qui se perd pour mieux se retrouver, des secrets d’enfants échangés de mains en mains, des blessures, des cicatrices et nous adultes aujourd’hui… mais je m’égare… Car ce jour-là j’ai la main impatiente, l’impatience d’une enfant de quatre ans. Mes sœurs ont la force et les rêves des adolescentes pour lesquelles tout est possible, pour lesquelles rien n’est impossible.

Je répète : « La Belle aux Bois Dormant dort là-bas ? »

« Oui dans la plus haute des tours »

Je regarde Patricia : « C’est vrai ? » Elle hoche la tête en signe d’acquiescement.

Je me retourne vers Papa et Maman : « Je veux y aller ! Je veux y aller, je veux voir la princesse endormie ! »

Rares étaient mes caprices, par contre lorsque j’avais décidé quelque chose, difficile de me faire changer d’idée. Mes parents jettent un regard noir à mes sœurs et argumentent : « Ca n’est pas possible. Regarde on ne peut pas s’y rendre, c’est fermé. »

Je fais la moue : « Je veux y aller. »

Patricia m’explique : « Tu sais, on ne peut pas y aller. Il y a une grande haie de ronces et d’épines qui entoure le château. Seul le prince peut y pénétrer. »

Je croise les bras, boudeuse : « C’est pas grave. Je veux y aller ! Je veux voir la princesse endormie. Je veux aider le Prince ! »

J’exige rarement même du haut de mes quatre ans. Mais quand j’ai une idée en tête... Je veux y aller donc j’irai. Et vraiment, ce n’est pas une barrière de ronces qui aurait effrayé le garçon manqué que j’étais.

Laurence vient à la rescousse : « Tu sais, il y a un Dragon, un Dragon féroce, noir avec des yeux rouges qui crache du feu. Jamais il ne nous laissera passer. Pire il pourrait nous tuer. »

C’est assez drôle car je me rappelle très précisément le cheminement de mon raisonnement : « un Dragon ? Un vrai ? Je VEUX y aller ! Je VEUX voir le dragon. Je veux voir le Prince sauver la princesse !»

La situation devient critique. La magie de l’atmosphère opère tellement bien que je ne peux absolument pas résister à l’appel de la Demeure. Mon père, grand cartésien n’est pas ravi du tout. Encore aujourd’hui il me regarde avec un regard indéfinissable quand je pars dans mon univers, l’un de ces regards indéchiffrables dont lui seul a le secret, un de ces regards inquiets. Oui peut-être est-il inquiet pour ma santé mentale ? Ca doit être ça… Mes sœurs ont beau imaginer mille subterfuges, je n’ai qu’une idée en tête : partir à l’aventure, aller jusqu’au château ! Mes parents sont face à une situation de crise (au propre comme au figuré) qui leur échappe totalement. Les « je veux » sont accompagnés de larmoiements totalement irraisonnés et déraisonnables. Je suis inconsolable et je ne comprends pas qu’ils ne veuillent pas aller aider le prince, sauver la princesse, tuer le dragon, couper la haie et s’occuper de la méchante sorcière ! Pour mon père l’heure c’est l’heure : avant l’heure c’est pas l’heure, après l’heure c’est plus l’heure. Alors très sincèrement ces aventures, ces exigences de fillette, ces lubies... ça le dépasse complètement. Et mon père quand ça le dépasse, il se met dans une colère indescriptible - Moment de colère indescriptible de mon père censuré. Les grandes personnes se chamaillent. Les adolescentes subissent les reproches. La petite fille se désole. La princesse endormie ne se réveillera jamais même dans ce brouhaha. Mon imaginaire est en marche : le prince a besoin d’aide et et et… et il va mourir !!!

Laurence lance : « Tu as vu ? »

« Quoi ? » Je regarde autour de moi, hoquetant.

Elle s’offense : « Tu n’as pas vuuuu ? Le prince vient de partir sur son fier destrier… Regarde là-bas »

J’ai beau regarder, je ne vois rien.

Patricia ajoute « Oui je l’ai vu, il a emmené la princesse ! Il l’a sauvée. Ils sont partis loin loin loin, très loin. »

Hmmm, j’ai beau plisser les sourcils je ne vois rien du tout. Je lève les yeux sur mes sœurs et pose un regard dubitatif : « Vous dites… vous dites des carabistouilles… »

En cœur : « Mais non, c’est vrai, hein c’est vrai ? »

Et tout le monde s’y met, surenchérit « ah oui oui oui, c’est vrai, le prince a réussi à terrasser le Dragon. Il a embrassé la Princesse, et l’a emmenée sur son fier destrier » Même mon père s’y met ! Ca, ça aurait franchement dû me mettre la puce à l’oreille. Je le regarde tout de même suspectant un stratagème de grande personne. Mes larmes sèchent, je me calme et je demande :

« On peut tout de même aller voir ? C’est pas grave s’il n’y a plus personne. J’aimerai bien y aller moi »

Ma mère s’agenouille : « Non, on ne peut pas y aller. La route est fermée et il faut qu’on parte. Mais si tu veux… si tu veux, on prend une photo »

30 ans plus tard… j’ouvre un album et prononce la formule magique pour faire apparaître ce qui se perd pour mieux se retrouver.

malamalicieuse Marjorie

Ca gargouille ! Mais qu'est-ce que c'est ?

C'est bizarre, vraiment bizarre.

Il y a peut-être une sorcière dans le placard...

Ca gargouille ! Mais qu'est-ce que c'est ?

C'est étrange, vraiment étrange.

On dirait qu'un ogre mange...

Ca gargouille ! Mais qu'est-ce que c'est ?

C'est curieux, vraiment curieux.

Le dragon est sans doute malheureux...

Ca gargouille ! Mais qu'est-ce que c'est ?

C'est effrayant, vraiment effrayant.

Et si c'était un vampire ? Un vampire buvant du sang...

Ca gargouille ! Mais qu'est-ce que c'est ?

C'est extraordinaire, vraiment extraordinaire.

J'imagine le fantôme enfermé dans le frigidaire.

Ca gargouille ! Mais qu'est-ce que c'est ?

C'est drôle, vraiment drôle.

Il doit y avoir un monstre dans le hall.

Ca gargouille !

C'est bizarre, c'est étrange, c'est curieux,

c'est effrayant, c'est drôle, c'est extraordinaire...

C'est normal ! J'ai une faim de loup...

une faim de loup-garou !

Alors... Gare à vous !

malamalicieuse Marjorie

(ouf... et petit clin d'oeil au séjour découverte de Beauregard car "c'est bizarre")

Chut, soyez discrets pour découvrir le cabinet de curiosités de la Princesses de La Molle imaginé par la classe de CP d'Emilie (école de Chamouille).

La Princesse de La Molle est une grande dormeuse. De battements de cils en battements de cils, elle collectionne l'art du savoir-dormir. Nous l'avons imaginée rêveuse, poétique, douce et féérique... comme sortie d'un beau réconfortant d'enfant... D'ailleurs, elle doit sentir bon la maman... La seule princesse à ne pas posséder de couronne, à lui préférer un bonnet de nuit (confectionné par Prince Clément en personne). Les objets créés, placés et disposés dans cette boîte douce, ronde et réconfortante sont tous pour de doux, beaux rêves : une pierre de lune, du sable emprunté au marchand, larmes de dodo... Chaque objet comme un précieux elixir vers le pays des songes... "Mmmm est ce qu'elle aimerait ?" Tout droit sortie d'un rêve, pour les enfants de la classe de CE1, la princesse de La Molle existe c'est certain ! Et ils rêvent tous de sa visite en classe.

Félicitations aux élèves de la classe de CE1 de l'école de Chamouille et à Emilie (leur maîtresse) pour cet élan poétique et imaginatif (quand le rêve rattrape la réalité). Nous n'avons pas gagné le concours mais la princesse de La Molle existe et ça, ça n'a pas de prix ! La classe de CE1 est d'ailleurs bien décidée à répondre à "sa" princesse (Mr Lechermeier, si vous aviez son adresse, ça nous arrangerait...) L'élan est pris pour écrire une belle histoire de princes, princesses... une histoire à imaginer... mais c'est précisément une toute autre histoire. A suivre...

Lundi 9 septembre 2013 : direction l'école, dans les classes de CP et CE1 pour rencontrer Princesse Sophie. Princesse Sophie est l'une des rencontres magiques de ce festival du livre de Merlieux. Elle a rendu visite aux classes participantes pour présenter les albums, la fête du livre, des photos (magnifiques) de Frédéric Clément et son cabinet de curiosités : une jolie et fraîche introduction pour permettre aux enfants de s'imprégner, s'approprier ce malicieux concours. Pour en savoir plus sur Princesse Sophie c'est ici.

De suite, les enfants sont impatients de créer, participer au concours, rencontrer Philippe Lechermeier : doucement, doucement, chaque chose en son temps. Une fois Princesse Sophie repartie pour de nouvelles aventures, nous avons continué sur notre lancée. Nous avons commencé à découvrir les trésors amenés par chacun, à réfléchir sur les princesses...

La grande difficulté pour nous était de permettre aux enfants de s'exprimer individuellement autour d'une oeuvre collective... au final nous nous en sommes plutôt bien sorties. Adultes, nous avions une idée (assez) précise des princesses choisies (pendant 3 semaines j'ai rêvé de princesses alors qu'il me faudrait sans doute davantage penser au Prince Charmant). Naturellement un jeu s'est installé, une sorte de correspondance entre les classes et malamalisss : des petits objets par ci, des bouts de tissus par là... Les princesses, elles-mêmes, ont participé en écrivant aux classes leurs coups de coeur, leurs secrets. Les enfants, enthousiastes, de toute cette magie, se sont totalement, pleinement investis et ont mis à contribution toute la famille : Clément revient avec de petits coussins cousus avec soin lui-même avec l'aide de sa grand-mère*, talent que nous avons réexploité pour la confection du bonnet de nuit de la Princesse de La Molle, Pierrick avec des couvertures, du sable par ci, des étoiles par là... Candice se propose de réaliser l'éventail de la princesse Mathûvû et c'est toute la classe qui apprend la confection des éventails... et nous adultes de suivre cette effervescence, juste la canaliser ("euh... non mon étole... euh comment dire, je la garde, j'y tiens." "Mmm, je vous aime beaucoup mais mon pendentif n'est pas pour vous, je suis sûre qu'en cherchant bien, vous trouverez une clé !"... et ils l'ont trouvée) Nous avons travaillé par étapes : choisir un contenant pour chaque classe, glaner des objets princiers de droite, de gauche, en créer, disposer dans la malicieuse boîte, puis arrive (déjà !) le Lundi 23 septembre 2013 et là stop il faut qu'on arrête. Une très jolie expérience pour tous ! Difficile de retranscrir la magie, l'enthousiasme, je préfère partager ici avec vous les diaporamas de nos réalisations...

Des mercis s'imposent ! Un énorme merci aux enseignantes qui ont choisi de permettre de commencer l'année si fortement. Ca crée une telle unité, un tel élan : de quoi voir l'école sous un très joli jour. Mais bien plus, ça permet à nos enfants d'être encore des enfants lunaires, vous savez ces enfants un peu dans la Lune qui rêvent... C'est tellement précieux les rêves... surtout aujourd'hui où l'école leur demande tant d'être des enfants solaires. Alors je trouve ça audacieux et tellement judicieux. Un merci surtout aux enfants et aux familles qui se sont laissés emportés par ce "jeu", jeu qui permet, mine de rien d'aborder tant de notions, tant de compétences, mine de rien... De l'art de travailler sans en avoir l'impression. Merci aux organisateurs de ce concours ! Merci Aux auteurs-illsutrateurs et à tous ceux que j'aurai pu oublier... Pour les cabinets réalisés : révélation, demain !!!

Histoire de vous donner une idée plus précise, vous pourrez découvrir :

- Magasin Zinzin de Frédéric Clément : malice n° 16

- Princesses oubliées ou inconnues... : malice n° 17