Ma sœur se marie… ils se sont décidés il y a trois semaines… Top chrono : 21 août
2010 14h00 !
Laurence stresse.
Elle répète les horaires de départ de la maison de chacun, que Michel sera un peu en retard : « Pas trop j’espère… », qu’il faut récupérer le bouquet au passage. Les horaires, le
retard, le bouquet : elle stresse. Je ressens ce stress. Alors je décide d’agir pour la bonne cause : « Laurence, on se met en route. Il est deux heure moins vingt, le temps
de passer chez le fleuriste, de se garer… Papa, Maman : vous prenez les clés de la maison. Vous connaissez le chemin jusqu’à la mairie ? Oui, bien. Tout le monde vous suivra »… Une
fois les rôles répartis, nous nous mettons en route, Amaury, Joshua, Erwan et moi suivi de Laurence qui m’interpelle : « Marjorie ? Tu as de la place dans ton sac ? Tu peux
prendre les alliances ? » Je souris en saisissant la boîte gravée « Histoire d’Or » et dis pour que tout le monde en profite : « Oui, oui, bien sûr. Elles sont dedans au
moins ? Car il ne faudrait pas qu’au moment des échanges d’alliances, elles n’y soient pas. On se retrouverait dans le film « 4 mariages et 1 enterrement », à demander des
bagues disponibles. Les mariés auraient des bagues en plastique ou de fillettes ». La blague, un tantinet usée, fait son effet, le stress de tout le monde descend d’un cran, à commencer par
le mien… J’ouvre l’étui pour m’assurer de la présence des fins anneaux en or blanc brillant : parfait. En route !« Laurence s’installe devant ?!... », Amaury me regarde d’un air mi interrogateur, mi affirmatif… « Oui, oui, ça
sera plus facile pour elle et puis on la dépose sur la route, donc… », il faut dire que la place entre les deux sièges arrière de la voiture de fonction est étroite, très étroite… mon 38 a
même du mal à s’y glisser ou bien je suis trop carrée… Il me faut donc entreprendre quelques acrobaties pour m’installer : « Joshua, tiens l’appareil photo. Erwan, tiens mon sac et tu
ne l’ouvres pas ! » J’entreprends alors l’ascension de la voiture sans coincer ma robe, sans cogner ma tête au plafond de la voiture et préserver ainsi le chignon, tout en gardant un
œil sur mon sac entre les mains de mon piqueron préféré… Voilà, me voici installée, serrée comme jamais à l’arrière, prête à partir. Laurence nous indique la route tant bien que mal. Il faut dire
qu’en plus de vertige, ma sœur n’a jamais eu un sens très aiguisé de l’orientation : « Attends, ça doit être par là… euh, je ne suis pas très sûre, je ne suis jamais passée par
ici… attends… oui, c’est ça ! C’est là et la mairie est juste derrière. Mais il n’y a pas de quoi se garer. On fait comment ? » Vraiment parfois j’assure. Je suis LA témoin de
la mariée qui gère le stress à la perfection, déterminée à faire que ce jour soit un jour unique : « Ne t’inquiète pas. On te dépose là. On se gare et on te rejoint à la mairie,
ok ? » Et on regarde Laurence s’éloigner dans son bel habit du dimanche… Amaury se gare à un pâté de maison, pas très loin… tant bien que mal je m’extirpe de l’arrière de la voiture et
ne tombe même pas : ouf ! Direction la mairie. Laurence attend, tendue, sur le parvis de l’hôtel de ville. L’un de nos amis discute avec Laurence en attendant Michel. Un homme à la
barbe blanche se dirige vers elle et lui demande : « C’est lui le marié ? » Laurence ne peut s’empêcher de rire : « NON… c’est un ami » et avec un stress
visible dans le regard, quelque peu gênée elle ajoute : « Le marié aura un peu de retard ». L’homme à la barbe blanche n’a pas franchement l’air ravi. Il faut se mettre à sa place,
le prochain mariage est à 14h30 et il est déjà 14h10… Tout le monde est là ou presque, reste le marié, son témoin et ses parents… Les voilà ! Je regarde Laurence et toujours dans le soucis
de faire retomber son stress je lui dis « Je serai toi, je le ferai un peu stresser à mon tour. Tu pourrai le faire marcher au moment de l’échange des consentements en disant « ah ben
euh… je ne sais pas », Laurence rigole en disant « Non, quand même pas… » Il faut savoir que ma sœur est une gentille, une vraie gentille : naïve et tout et tout… bref elle ne
le fera pas mariner, pourtant il le mérite. C’est dans cet état d’esprit que j’interpelle Michel et lui lance un « Au fait Michel, tu as bien les alliances, hein ? » Bingo, il me
regarde complètement paniqué « Non, déconne ?! C’est toi ?... Non ? ». Les meilleures plaisanteries étant les plus courtes, je ne le fais pas marcher longtemps. « Ne
t’inquiète pas, je les aies »… Ah, ah, ah ! Je ris intérieurement, je sauvegarde ma sœur d’un maximum de stress et en plus je joue les vengeurs non masqués : j’adore ! L’homme
à la barbe blanche nous invite à nous diriger vers la salle des mariages.Nous entrons dans la salle où quelques
employés communaux nous attendent déjà, impatients. Le mariage était prévu pour 14h00 et il est 14h15 !... Ils nous invitent à nous installer : mariés au centre, témoins à leurs côté
suivis des parents. C’est alors qu’une employée communale nous demande les alliances. Laurence me regarde : « Marjorie, les alliances ? ». « Les alliances ? Ah oui,
les alliances… », j’ouvre alors mon sac, sort l’étui rouge que j’ouvre pour découvrir un anneau en or blanc. Je le regarde la gorge serrée et réfléchis à toute vitesse, la mâchoire
tendue : « Un anneau… Un anneau… et pas deux ? Où est le deuxième ???... » Je referme la boîte et la rouvre, il n’y a bien qu’un seul anneau. « Rester calme. Il
n’est pas loin, il a glissé dans la boîte c’est ça… » Je soulève alors le socle, regarde dessous, prend l’anneau, l’observe attentivement… Je vais vomir… Pas de panique. Je m’assieds,
respire… Quand nous sommes partis les deux anneaux étaient dans leur étui côte à côté…. Je les vois encore… Je n’ai pas ouvert mon sac, c’est impossible que la boîte se soit ouverte étant
donné le contenu de mon sac… Erwan n’a pas fouillé dedans… c’est IMPOSSIBLE… pourtant il n’y a qu’un anneau… précipitamment je vide le contenu de mon sac sur mes genoux. Il a dû glisser
dans mon sac, c’est ça ! Il est dans mon sac… dans mon agenda ? ou bien ma carte bancaire ? Mon portemonnaie ? Mes chéquiers ? A moins qu’il ne soit dans ma pochette
santé, celle qui contient carte vitale, mutuelle, ordonnances à renouveler de toute la famille… Je cherche partout, retournant les moindres recoins de mon sac, fouillant rerefouillant. J’arrête.
Il n’est nulle part… Je me décide… me retourne et le regard plein d’angoisse « Amaury, il manque une alliance... », cette phrase chuchotée trouve son écho de manière à ce que tout le
monde soit au courant et l’écho continue dans la salle des mariages « il manque une alliance » se transformant au fur et à mesure en « ils ont perdu une alliance » pour finir
en « la sœur de Laurence a perdu les alliances »… ah que j’aimerai me faire toute petite. Papa prend l’anneau entre ses mains et je continue désespérément à retourner tout le contenu de
mon sac sachant que l’anneau manquant n’est pas là… L’employée me demande de renverser le contenu de mon sac sur la table, sorte d’autel. Elle me le dit une fois, deux fois… trois fois…
argh voilà que le contenu de mon sac va être répandu aux yeux de tous… que puis-je faire d’autre ??? Je m’y résouds piteusement plus par dette morale vis-à-vis de ma sœur car j’en suis
sûre : l’anneau n’est pas dans mon sac. C’est ainsi que deux paires de mains accompagnent ma fouille méticuleuse, j’entends des voix « je me permets de regarder » « on ne sait
jamais des fois qu’il aurait glisser » « il faudrait prendre une photo »…et moi de répéter : « ne faîtes pas attention, c’est un sac de femme, vous connaissez les sacs
des femmes »… Tampons, bandes, agenda, portable, portefeuille, rouge à lèvre, beurre de cacao, lettres, bonbons… tout mon sac gît à la vue de tous : le visible et tout ce que tente de
cacher dans ce sac : TOUT. Je me sens un peu mise à nue… et l’anneau reste introuvable…
« Nous ne
pouvons plus nous permettre d’attendre, il va falloir penser à commencer la cérémonie. » Vite je remballe tout très promptement, très maladroitement. L’homme à la barbe blanche a parlé. J’en
pleurerai de honte, tu parles d’une super témoin… pêché d’orgueil, ouais… « Laurence je suis désolée, Michel… ? » Et Michel très enthousiaste réponds « Mais c’est pas grave,
on cherchera après »… Je n’en crois pas mes oreilles de ce que je viens de dire « Laurence, si tu veux je te file l’un de mes anneaux pour la cérémonie et après… » L’employée
fouilleuse de sac à main me lance, acerbe, « surtout pas, ça ne se fait pas »… Je voudrais disparaître : « la témoin qui perd l’alliance, aux idées lamentables »…
Laurence reste calme, elle n’a même pas l’air d’avoir envie de me tuer : quand je dis que c’est une vraie gentille, « on va prendre ma bague de fiançailles, ne t’en fais pas »…
Bien sûr que je m’en fais je suis en train de tout gâcher… mais où est cet anneau… « Laurence… Louise, fille de… » Il n’a vraiment pas pu disparaître comme ça… et si c’était un signe du
destin… « Michel… résidant à… » Amaury entre, je le regarde pleine d’espoir, il me fait un signe de tête négatif : l’anneau n’est pas dans la voiture. « Nous allons procéder à
l’échange des consentements… », elle est peut être par terre… Mon père me glisse à l’oreille, « t’as entendu ? Ils se sont trompés dans nos adresses », non je n’ai pas
entendu, je suis en train de vivre le mariage le plus stressant de toute ma vie… et il ajoute « il a peut-être glissé sous la table… je regarderai après… » Oh papa, je t’adore, c’est ça
l’anneau est sous la table, il suffit de lever la nappe rouge et il sera là, oui c’est ça… je ne peux pas attendre. Discrètement je m’agenouille soulève la nappe et… rien. Pff… « Nous allons
procéder à l’échange des alliances ». Je vais mourir avant la fin de cette journée : de honte, de crise cardiaque ou assassinée par l’un des deux mariés, c’est certain… je me demande où
est le magasin « Histoire d’Or » le plus proche pour racheter un anneau à ma sœur. Laurence a pris l’anneau dans ses mains et le glisse au doigt de Michel qui demande perplexe
« Je n’arrive pas à le mettre. Il a rétréci ou quoi ? » suivent les exclamations de surprises « Oh regarde ton anneau avait glissé dans le mien, il était même bien
coincé »… Ah, ah, ah… je le savais, impossible que l’anneau se soit échappé ! Je ne suis pas la plus mauvaise témoin de l’année… je suis… je suis plutôt soulagée… L’adjoint et
l’employée communale fouilleuse de sac nous invitent à signer les registres… et c’est la tête haute que je rejoins les mariés. Je reste digne, après tout je n’ai rien perdu du tout, j’ai bien
fait ce qu’on m’a demandé… et je n’ai pas à rougir d’avoir répandu mon intimité aux yeux de tous… Seulement je rougis très facilement…
malamalicieuse Marjorie